Biographie
J’ai volontairement conservé le langage parlé, et un rythme assez découpé.
Je n’ai jamais été aussi précis lors d’un témoignage. C’est une tranche de vie,
un flashback du début des années 80, sur la dérive punk en Normandie,
l’enfer de la drogue et la violence des affrontements entre bandes.
Né en 1963 à Sarcelles, j'ai grandi dans le 93. À l'âge de 9 ans j'ai suivi ma famille en Normandie … En 74 "Opération Dragon" va révéler en moi une passion pour les arts martiaux...
Je découvre le mouvement punk, comme si pendant toutes ces années j’avais été préparé pour ça. C’était à la fois un choc et une véritable révélation.
La défonce, une escalade très rapide. j'ai maltraité mon corps.. Démons & Tourments. Skinhead, j'avais soif d'authentique..
Arrêt Brutal par un violent coup à la tête. Novembre 96, j'ai enfin crié à Dieu : j'ai vécu une restauration complète !
Préparation
Je suis né en 1963 à Sarcelles. Mon père rentrait de la guerre d’Algérie. Fils aîné d’une famille ouvrière non croyante, j’ai grandi dans le 93 dans une cité plutôt mal famée. J’y ai vécu une expérience violente, haineuse et raciste qui me marquera pendant de longues années. Dès l’enfance j’ai été attiré par l’occulte à cause de l’héritage familial, certaines choses me paraissaient même naturelles. J’étais très rêveur, j’avais beaucoup d’imagination et je m’en servais. Timide, j’avais toujours des problèmes d’intégration et au niveau santé, j’étais souvent malade.
À l’âge de 9 ans j’ai suivi ma famille en Normandie à Falaise. Je me suis vite fait à cette nouvelle vie, loin de la cité. J’avais de nouveaux potes, je suis « devenu » normand de cœur. En quête d’identité, mon idole était le héros local Guillaume le Conquérant, je suis vite devenu incollable sur cette partie de l’histoire. Très tôt aussi, j’ai été fasciné par les nazis et leur symbolisme. Je dessinais souvent des croix gammées (pas toujours à l’endroit !). Tout gamin je faisais déjà la collection de petits soldats allemands. Cela a même été ma seule et unique motivation pour prendre allemand comme première langue au collège. À chaque film de guerre, j’étais révolté que les Allemands perdent (tout comme les indiens dans les Westerns d’ailleurs !). Je voulais refaire l’histoire. Quand j’étais seul, mon imagination carburait, je me mettais dans ma bulle et je vivais une autre vie.
Les années suivantes ont été difficiles, je me faisais souvent taper à l’école. Parfois je ne voulais plus y aller, mais étant obligé j’y allais la peur au ventre. J’étais aussi mêlé à des petites bagarres de quartiers dans les caves des HLM. En 74, j’ai découvert au cinéma, accompagné par des adultes, le film « Opération Dragon » avec Bruce Lee. La révélation ! La puissance n’était pas réservée qu’aux balèzes, il y avait donc de l’espoir pour moi. Ce film a été l’élément déclencheur d’une passion pour les arts martiaux qui allait durer un bon 10 ans.
Donc, après une enfance difficile, j’avais un mal de vivre et j’étais en pleine crise d’ado. Les années se suivaient et malheureusement se ressemblaient. Mon année de troisième démarrait mal, j’ai été opéré d’un rein avec des complications et des souffrances terribles. J’aurais voulu être fort et j’étais faible, j’ai compensé avec la haine et l’intelligence froide.
Au niveau musical j’écoutais du Rock des 50’s et 60’s (j’aimais ce rythme et les blousons noirs), les Rolling Stones (à cause des grands frères des copines), et KISS (à cause du visuel, j’étais fasciné par la violence et le sang). J’avais une répulsion pour la variété et le disco.
La timidité, les humiliations, la maladie, la colère contenue, la violence subie et la violence imaginée et mes fantasmes étaient autant d’ingrédients qui, avec le temps, avaient préparé une bombe. Encore fallait-il qu’il y ait un détonateur pour qu’elle explose ! Mais comme écrira Jacques Mesrine à cette même époque : « J’existais si peu que je n’étais même pas personne ! »
Révélation
À la fin de ma troisième, alors que je n’avais pas le niveau, pistonné par un prof d’anglais qui avait compati à mes souffrances, j’ai été sélectionné pour un voyage en Angleterre ! C’était inespéré ! Mon premier grand voyage hors de la maison !
J’ai pris le bateau au Havre pour Portsmouth. On a eu le droit à une belle tempête, puis nous sommes arrivés à bon port, sur terre anglaise. Ensuite, on a pris le car pour rejoindre les correspondants. De tout le groupe du collège, je suis le seul à être tombé sur un correspondant qui était punk. C’était Matthews, un gars de mon âge qui habitait Henley-on-Thames près de Reading. Je n’avais jamais entendu parler ni vu de punk de ma vie
C’était début février 79, la semaine où Sid Vicious, le bassiste des Sex Pistols mourut. Cela faisait la une des journaux, ça passait à la TV, sur les radios, tout le monde en parlait. Accident, suicide, meurtre chacun avait son opinion. Une autre question était relancée : avait-il tué Nancy (sa girlfriend) quelques mois auparavant ? Pleins de punks portaient des brassards noirs, il y avait des rassemblements partout. Certains criaient que le Punk était mort avec Sid. Pour ma part, ça me paraissait bien vivant, je découvrais le mouvement punk, comme si pendant toutes ces années j’avais été préparé pour ça. C’était à la fois un choc et une véritable révélation. Pleins de jeunes, dont certains avaient même mon âge, qui osaient être différents ! En plus il y avait une telle provocation, une telle violence et un tel extrémisme que ça a déclenché chez moi une réelle fascination. Cela faisait écho en moi, et là en plein milieu d’un attroupement de punks, face à Piccadilly Circus, j’ai donné ma vie pour la cause punk. Dès ce moment je suis devenu punk jusqu’au bout des ongles, c’est venu m’habiter. Enfin quelque chose auquel je pouvais m’identifier.
INITIATION in the UK
Tout s’est enchaîné très vite, ça été l’initiation made in UK, pays d’origine. J’ai été initié musicalement aux groupes de l’époque : Sex Pistols, Clash, Sham69, Damned, Stiff Little Fingers, Adverts, X Ray Spex, Vibrators, GenerationX , etc. Je les voyais en photos, j’écoutais leurs disques, j’en ai acheté. Je voyais certains de ces groupes passer à la TV (Top of the Pop et autres) j’avais sous les yeux des mags et des journaux qui en parlaient. J’ai été initié à la culture punk. On m’a parlé longuement sur l’historique, les pionniers, le Bromley Contingent, les fanzines, également sur les lieux qui faisaient l’histoire comme Piccadilly Circus, King’s Road, Carnaby Street.
J’ai été aussi rancardé sur les salles de concert mythiques comme the Roxy, the 100 Club, the Marquee, le Vortex. Je voyais aussi des photos du Reading Rock (festival de Reading). L’année précédente, Sham 69 y avait fait un tabac et le correspondant, habitant tout près, y était. Matthews m’a présenté ses potes, le premier contact a été plutôt froid. Beaucoup d’entre eux n’appréciaient pas d’avoir la présence d’un fuckin’ froggies (nom si affectueux désignant un français qui signifie « putain de bouffeurs de grenouilles ») parmi eux. On a fait des virées ensemble, des Punk Parties, j’ai fait mes preuves et ils m’ont adopté. J’aimais l’ambiance, le feeling, j’avais l’impression d’être né pour ça et que mon véritable moi pouvait enfin s’exprimer.
J’avais trouvé le détonateur, la bombe pouvait enfin exploser !
J’ai fait mes premières expériences avec la drogue (principalement le sniffin’glue) mixé à la bière et aussi avec des cocktails, (je n’ai jamais su ce qu’il y avait dedans) mais le tout mélangé nous mettait dans des états déplorables.
En bonus, j’ai découvert les hooligans, les clubs de supporters, la violence autour des stades, les chants dans les rues. C’était fascinant de se battre pour les couleurs d’un club. L’esprit d’appartenance me séduisait. Les plus fameux à l’époque étaient les supporters de West Ham. Pour ma part, la seule équipe de foot qui me faisait vibrer c’était les verts de l’AS Saint-Étienne et leur épopée européenne, c’est eux qui m’ont fait aimer le football. Jusqu’ici, ma seule activité parallèle liée au football avait été la collection des vignettes Panini. Je suis revenu avec une écharpe des Gunners d’Arsenal, ils n’étaient pas les meilleurs mais j’aimais bien le nom, le logo et les couleurs. À l’époque je ne connaissais pas l’équipe. C’était excitant de se balader dans des quartiers hostiles à Arsenal avec une écharpe des Gunners. En France il n’y avait pas de hooligans comme je les avais vus là-bas, plusieurs générations mélangées.
Débarquement en Normandie
De retour en Normandie avec mes premiers vinyls punks, j’étais radicalement transformé. Avec des souvenirs plein la tête, je retrouvais ma city mais j’avais des nouveaux repères. J’avais l’impression d’en avoir appris plus pendant mon séjour en Angleterre que durant toute ma jeune vie. Nouveau look avec mes fringues et mes premiers badges et épingles à nourrice. J’étais décidé à changer mon monde. J’ai cherché à faire des « disciples » et bilan : j’ai été pas mal contagieux aux grands damnes de certains parents qui m’ont qualifié de « diable en personne » (un compliment pour moi à l’époque !)
Puis j’en ai aussi rencontré plusieurs autres qui avaient fait la même découverte mais qui se sentaient seuls dans leur coin, ils étaient punks dans leur chambre, coincés par la crainte. Nous nous sommes montés la tête les uns les autres, on s‘est unis pendant que Jimmy Pursey chantait « If the kids are united… » Et on a formé une grande famille. On s’est montrés, timidement au début, le temps de devenir crédibles pour ceux qui nous avaient connus avant (plus facile en effet de débarquer punk quelque part où l’on est inconnu que le devenir dans son milieu), puis avec de plus en plus d’assurance. Une bande a succédé à une autre et un gang est né.Je me suis vite rendu compte qu’être punk en France c’était différent qu’en Angleterre. On n’est pas dans le même contexte, pas question d’imiter, on veut de l’original.
On a essayé de remplir nos journées : zoner, se retrouver entre potes, sniffer, boire, faire du babyfoot, s’entretenir dans la culture, se remémorer tous nos fights, nos cuites, nos aventures puis se chambrer, écouter de la zique, faire la parade dans les rues. Fallait avoir des tripes pour oser la différence et se balader en punk au début des années 80 ! Ca n’était pas très populaire, nous n’étions appréciés ni par la police, ni par les plus vieux ni même par ceux de notre génération. On ne voulait pas de nous dans les bars, dans les boîtes, etc. Nous étions des cibles ambulantes pour tous les gros bras. Plus d’une fois nous nous sommes retrouvés dans des situations plus que périlleuses. On risquait notre tête, surtout quand on se retrouvait seul (et on finissait toujours par se retrouver seul) et pas question de retirer ses couleurs : là, tes convictions étaient éprouvées, c’était comme ton baptême de feu.
Ce qui prévalait entre nous c’était la fraternité, nous étions compagnons de galère, nous avions les mêmes problèmes, les mêmes défis… nous étions une famille, même si parfois les rapports étaient tendus. Karl, le chanteur des Komintern Sect d’Orléans résumait bien nos valeurs dans le chant « Plus fort que Tout ».
Plus fort que tout / Cette amitié qui nous unit /Plus grands que tout / Ces liens qui font d’eux nos amis / C’est avec eux / Qu’on a passé de bons moments / C’est grâce à eux / Qu’on n’a pas vu passer le temps / Plus fort que tout / Cette amitié qui nous unit / Plus grands que tout / Ces liens qui font d’eux nos amis / Alors les gars / Surtout n’oubliez jamais ça/ Alors les gars / Où ils iront tous on ira / Les amis de toujours en toutes les occasions / On peut compter sur eux / Quelle qu’en soit la raison / Car c’est leur code d’honneur à eux / Ensemble on a vécu les mêmes galères / Aimé les mêmes filles / On s’est saoulé dans les mêmes bars / Nos souvenirs ne font qu’une mémoire / Alors les gars / Surtout n’oubliez jamais ça / Alors les gars / Où ils iront tous on ira / On peut compter sur eux / Ils feront de leur mieux / Mais surtout n’oublie pas / Oh, qu’eux aussi comptent sur toi / Dans les coups durs ou dans les fêtes / Ils sont toujours avec toi / Rien jamais ne les arrête / Dans le malheur ou dans la joie / Et même si un soir complètement bourrés / On en vient à s’engueuler / Demain tout sera oublié / Ça nous fera même rigoler /
On errait dans nos villes respectives et aussi à Caen à divers endroits, les rues du centre ville, les pelouses du château, le magasin TNT rue Demolombe, le stock américain rue Courtonne près des quais, le bar de l’Eden et les autres qui nous acceptaient. Niveau boîte de nuit, notre favorite était « la Clé des Champs » à Jurques. C’était aussi encore l’époque des bals et c’est sûr, on n’y allait pas pour danser !
On était tous affublés de pseudos. On se connaissait (à part quelques-uns) uniquement par notre surnom. Le nom de la bande a évolué au fil des années et des lieux de rassemblement. On portait ces nouveaux noms à plusieurs fins : nouvelle identité, refus de notre nom civil ou protection contre la dénonciation.Chaos Scolaire
On glandait aussi chacun dans nos bahuts, pour ceux qui étaient encore scolarisés, la plupart d’entre nous avaient poussé maximum jusqu’en troisième puis se retrouvaient pour les plus chanceux en LEP ou en apprentissage. Pour ma part, n’étant pas admis en seconde dans ma ville, j’avais tenté ma chance à l’école militaire d’Issoire. J’avais réussi le concours et m’étais imaginé l’armée comme un temps rempli de sport et d’action. Sur place, j’ai eu ma première boule à zéro mais je n’ai pas tenu face à la discipline, j’étais trop rebelle! J’ai quitté cette école ; j’ai retrouvé l’Armée en 81 pour les « 3 jours », mais ils ne voulaient pas de moi, trop asocial ! Après le bref passage à l’école militaire j’ai atterri en catastrophe, par défaut, au LEP Guibray de Falaise. Le concept « NO FUTURE » avait déteint sur nos études, ça a été un énorme gâchis et un enfer pour les profs!
This is Radio Punk
Cette époque était l’âge d’or des radios libres. Il y en avait pour tous les goûts. Comme beaucoup parmi nous habitaient dans différentes villes, le soir on s’envoyait des messages, des ordres de mission, des news et parfois des provocs ou des avis de recherche via des dédicaces sur radio UHT (célèbre par sa fameuse émission « Rock à la Radio »). Les ondes étaient saturées de musique punk.
À propos de radio, on était une équipe (Pépé, Mémé, Chrys et Oi ) et nous avions créé et animé une émission qui s’intitulait « Les Enfants des Décibels » sur AFM la radio FM de Falaise. Notre émission débutait par un générique spécial, des sirènes de bombardement (ça annonçait bien la couleur) suivies de l’intro de Holiday in Cambodia des Dead Kennedys et qui finissait par des cris et des fracas de verre.
On faisait chaque émission comme si c’était la dernière, s’attendant à se faire virer à chaque fois (je ne comprends pas pourquoi ça n’est pas arrivé plus tôt). Nous avions poussé le délire et la provoc aussi loin que possible. L’émission était complètement trash et déjantée, elle passait le dimanche après-midi et était digne d’un « Morning Live » radiophonique version punk. Mais c’était en 1982 !
Urban guerilla
Très vite confrontés à d’autres jeunes, d’autres gangs, la violence a été crescendo. Au début t’as la peur au ventre mais il faut y aller, t’en donnes, t’en reçois, il faut que tu t’arranges pour rester créditeur. T’as mal, tu t’aperçois que l’autre aussi a mal, tu survis, tu comprends que la cogne ça ne tue pas, en tout cas pas toujours, alors tu y prends goût et à la fin tu en as besoin. Tu collectionnes tes trophées, tu bâtis ta légende. On avait un code d’honneur, on ne pouvait pas laisser tomber un frère. Moi pour ma part, je me suis perfectionné avec le Full Contact et le Muay Thay.
Très vite tu deviens un guerrier, tu vis comme en temps de guerre, c’est ta réalité. De l’autre côté t’as d’autres héros, d’autres légendes ce sont juste des gars comme toi mais qui portent d’autres couleurs ou qui habitent un autre quartier. Il y a en toi une haine mêlée à une fascination, tu veux les démolir et en même temps il y a un respect. Avec certains on aurait pu devenir de bons potes mais ça n’était pas possible à l’époque. En tout cas, t’es amené à faire des choses dont en vrai tu n’es pas fier… après, ça vient hanter tes nuits.
Nos adversaires dans les rues étaient soit des bandes de quartier, soit des gars unis autour d’un style ou des clans raciaux. On s’affrontait juste pour la gloire, pour être des légendes. Parfois pour quelques mètres carrés de bitume, pour un quartier ou pour notre zone, notre turf. Les concerts étaient de vraies arènes de combat.
De véritables guerres ont commencé, un combat appelant une revanche, des contentieux entre bandes ou perso. Les fights n’étaient pas toujours mains nues (ni pieds nus !). Les corps étaient meurtris, le sang coulait. Cela finissait forcément mal pour certains ! La plupart des gars avec qui j’ai frité étaient là pour ça, et volontaires en plus. C’était eux ou moi et moi je préférais que ça soit eux. Cette violence dans la ville on appelait ça l’Urban Guerilla. Au fil des années ça a dégénéré, c’est devenu de plus en plus violent et dramatique. Comme diraient les gars de No Fuck Bébé on est Made in la Rue, c’est bombé dans nos cœurs. En tout cas tout ça sculpte un homme. J’ai vu trop de violence gratuite, trop de surenchère, trop d’horreur.
Aujourd’hui j’en reste encore marqué, mon regard n’est plus neutre, je connais la rue et ce qui peut s’y vivre. Plus d’40 ans plus tard, c’est comme des souvenirs d’ancien combattant, de traumatisés de la guerre, j’en rêve parfois encore !
La Défonce
Côté toxicomanie, l’escalade a été très rapide. Au départ le sniffin’glue, ou tout autre solvant dans un sac ou un chiffon et cela plusieurs heures par jour, même en plein cours. C’était vraiment de la défonce bon marché avec en prime des packs de bière. Pour rester dans le bon marché, on avait toujours une avance de psylos Made in Normandy, champignons hallucinogènes (avec une boîte de Lexomil en cas de bad trip). Plus tard il a fallu trouver des combines niveau tune (trafics, vols etc.) pour les joints, l’huile, la cocaïne, les amphétamines, les acides et les médocs. Ma principale motivation était l’autodestruction. Puis je n’aimais pas vivre dans le monde réel, j’aimais être défoncé. Parfois on faisait des cocktails plus ou moins heureux. Plusieurs y ont laissé leur peau, dont certains que j’avais initié, c’est lourd à porter. Maintenant que j’y vois un peu plus clair, je me servais aussi de la drogue comme antidépresseur et comme antalgique. J’ai vraiment maltraité mon corps avec ces produits, il en reste quelques traces aujourd’hui.
Créativité
Une autre pensée du punk, dont je suis vite devenu un adepte militant, c’était le « Do It Yourself », traduit par « fais-le toi-même ». Tu n’achètes pas, de toute façon t’as pas de sous alors tu fais toi-même tes tee-shirts, tes chemises, tes fringues, tes accessoires. On ne faisait pas des costumes mais du custom, on transformait des fringues civiles en fringues punk, on laissait aller sa créativité avec plus ou moins de bon goût. Idem pour la zique, tu faisais toi-même des bandes-sons garage, très proches du live. Pour les graffitis, tu créais tes propres pochoirs (quand tu voulais travailler propre) et t’écrivais ce que tu pensais sur les murs, tu mettais des couleurs sur ta ville.
Démons & Tourments
Pendant l’opération du rein, durant ma troisième, suite à une complication, j’ai fait à l’hôpital une expérience hors de mon corps. J’étais déjà attiré par le paranormal depuis l’enfance et là je prenais conscience que je pouvais sortir de mon corps. Cela a été le début de plusieurs années de voyages astraux et une descente dans le monde de l’occulte dont je passerai les détails. À 18 ans, sur les conseils d’une copine qui était haut placée dans la sorcellerie, j’ai fait un pacte avec Satan, signé avec mon sang. Très vite, la nouvelle puissance et la nouvelle influence reçues ont cohabité avec des tourments grandissants, des tourments à devenir fou ! Je faisais des crises à un tel point que tout le monde était mal à l’aise autour de moi, même mes potes les plus courageux ! Au départ ils ont mis ça sur le compte d’un bad trip puis ont vite senti qu’il y avait autre chose. D’après leurs témoignages, j’avais parfois des yeux de chien, et il faisait froid autour de moi. Dans ces tourments j’étais seul, je pensais que personne ne pouvait me comprendre. J’ai souvent songé au suicide. Parfois je perdais complètement le contrôle, c’était imprévisible et je revenais à moi à peine conscient de ce que j’avais fait et parfois je préférais ne pas savoir.
Côté idéologie, ça me fait sourire aujourd’hui quand je vais sur Internet et que je lis des essais sur le mouvement punk où l’on y trouve des tentatives d’y voir plus clair. C’est trop sauvage et spontané pour le mettre dans une boîte. Pour ma part j’ai deux regards : celui d’avoir été à l’intérieur du mouvement à la bonne époque (j’ai connu les deux vagues : l’originale « No Future » puis celle du revival punk : la « Punk’s not Dead ») et d’avoir expérimenté. J’avais aussi celui du recul qui te permet de mieux voir et comprendre. Je pense que chacun a eu ses propres raisons, son propre parcours pour en arriver là. Chacun a son histoire, souvent l’histoire d’un paumé ou d’un idéaliste, en tout cas l’histoire d’un rebelle.
C’est dangereux de généraliser, certains étaient là pour trouver une famille, une fraternité, d’autres étaient là pour le côté provoc, d’autres étaient politisés (anarchistes), d’autres pour la baston, d’autres pour le côté suicidaire et défonce, d’autres en transit (pour aller ensuite en H.P. ou en prison), d’autres en terminus (ils y sont restés). Beaucoup étaient des blessés de la vie et leurs blessures n’ont fait que s’infecter, d’autres n’avaient pas de raison apparente mais se sont fait contaminer. Pour ma part, je n’aimais pas la société et elle me le rendait bien. J’étais antisocial. J’aimais le côté « no future », suicidaire. Je ne sais pas si j’ai vraiment été punk, j’ai évolué dedans en y ajoutant ma personnalité, mes problèmes, mes idéaux et mes fantasmes. Ce n’était pas juste une question de mode musicale, bien sûr on recherchait des ziques où l’aspect fraternité et les rythmes assez violents étaient de mise ; on cherchait aussi des textes qui parlaient de nous avec lesquels on pouvait s’identifier. Je suis conscient que certains groupes punks nous ont fait entendre ce que l’on voulait sans le vivre eux-mêmes. Dans mon quotidien, dans les coups durs, dans le manque, quand je me faisais serrer par les flics, quand j’étais interné en hôpital psychiatrique, j’étais seul, ces groupes n’étaient pas là. Pour moi un punk, ce n’est pas un musicos avec une allure destroy et des caprices de stars, qui flaire la vague punk et surfe dessus. Ce n’est pas non plus une question de fringues, d’apparence ou de coupe de cheveux, l’habit ne fait pas le moine disent certains, il ne fait pas le punk non plus ! J’ai connu des gars qui n’en avaient pas l’apparence mais qui étaient plus punks que certains qui avaient acheté la panoplie complète et qui auraient pu poser dans les mags spécialisés ou faire l’attraction pour les touristes.
Question politique, perso j’étais allergique à toute récup. Je ne croyais pas en ces hommes aux idées grises et costumes gris comme leurs cheveux. Mes couleurs n’étaient pas les leurs !
Mémoire
Il y a quelques années, je suis allé boire une bière avec un punk en Suisse, Captain’ Keupon. Au moment de trinquer, il a rallumé des souvenirs. Cela faisait des années que je n’avais pas trinqué de cette façon, en versant de la bière par terre et en disant : « À ceux qu’on a laissé derrière ». Les larmes me sont montées aux yeux en même temps que les visages dans ma mémoire : un flashback à vitesse grand V. J’ai gardé la capsule de cette canette, un véritable mémorial pour moi.
Une chose est sûre ! Chaque punk survivant de l’époque a aujourd’hui ses fantômes qui viennent le hanter. Parfois je me demande si je n’ai pas le syndrome du survivant : mes amis sont morts, pourquoi eux et pas moi ? Plusieurs fois j’ai flirté avec la mort et je n’étais pas meilleur qu’eux mais eux sont partis et pas moi. Je n’avais plus qu’à relever mon col, baisser la tête et marcher sous la pluie.
SKINHEAD
Je n’ai pas été punk par hasard, ça été le mouvement rebelle de mon adolescence, j’ai tout de suite embarqué. Quand le punk a commencé à sonner faux, à juste devenir un look, une mode, j’avais soif d’authentique, je me suis tourné vers du plus radical, du plus dur.
Comme beaucoup de punks désillusionnés de cette époque, face à l’évolution ou plutôt la dégénération punk, je me suis tourné vers le « mouvement OI ! » avec des accointances skinheads.
De nouveaux contacts se faisant sur Le Havre, cela ne m’a pas arrangé au niveau violence, cela m’a même poussé un cran plus loin. Même constat au niveau fraternité. À cette époque je ne connaissais pas beaucoup de skins qui n’étaient pas passés par la case punk. Pour ma part, j’étais skinhead, avec des convictions fortes, j’étais patriote (c’était une valeur skin de l’époque) mais je n’étais pas néo nazi ou boneheads comme on les appelait de l’autre côté de la Manche. Nuance importante que beaucoup, encore aujourd’hui, n’ont pas assimilée. Autant en punks nous inspirions le dégoût et la haine, autant en Skinheads c’était différent, nous inspirions essentiellement la crainte. C’était grisant, nous étions les maîtres du terrain, nous n’étions plus des cibles ambulantes. Les chasseurs de skins n’avaient pas encore été inventés, et qu’auraient-ils pu faire en Normandie ?
ARRÊT BRUTAL
Un rocker a repris en chœur les paroles de Joey Ramone « Beat on the Brat with a Baseball Bat » pendant que moi je prenais la mise en pratique en pleine tête. Il en résulta de violents maux de tête obligeant une hospitalisation au CHU de Caen. Mon voisin de chambre, Daniel m’a parlé de Dieu. Je ne voulais pas entendre ces « bondieuseries ». Il m’a présenté Jésus comme je ne l’avais jamais entendu c’est-à-dire comme quelqu’un de réel. Il m’a parlé de la possibilité d’avoir une nouvelle vie, un nouveau départ. Après avoir longuement testé ce prêcheur, nous nous sommes séparés. J’ai repris ma vie, après plusieurs semaines de déclins et de malheurs, j’étais au bord du suicide, quand ce que j’avais entendu à l’hôpital m’est revenu en mémoire. J’ai repris contact avec Daniel, il m’a emmené pour que j’assiste à une réunion d’église, j’ai eu un choc culturel. J’ai persévéré à y aller, attendant passivement que Dieu fasse quelque chose mais rien ne changeait pour moi.
En Novembre 1983, au bout du rouleau, j’ai enfin crié à Dieu, Il m’a touché, m’a délivré instantanément de la drogue, j’ai vécu une restauration complète. Jésus m’a guéri physiquement, psychiquement et aussi socialement (à ce niveau on peut pratiquement parler de résurrection car je m’étais suicidé socialement). Il m’a dégagé des conséquences de mon pacte, Satan n’est plus le maître dans ma vie. Je ne veux tromper personne, si certaines choses ont été instantanées, d’autres ont été progressives, comme une conquête mais le résultat est là ! Aujourd’hui je suis un accros de Jésus, mais pas un mystique. J’ai la tête dans le ciel mais je garde les pieds sur terre. J’ai les mêmes défis que le commun des mortels. Je suis marié et j’ai 3 enfants. Mais moi qui était adepte du « No Future » aujourd’hui, je sais que selon la Bible (Jérémie 29 :11), Dieu a pour moi des plans de bonheur et de paix pour me donner un FUTUR et une espérance.
PUNK IS DEAD
Le Punk est mort, les punks à chien, les anarchopunks, les skateurs et les teuffers ne sont pas les héritiers. Être Punk ça n’est plus pour aujourd’hui, ça appartient à l’histoire, à une génération perdue. Nous ne sommes plus à la même époque, dans le même contexte. Aujourd’hui, je vois des jeunes avec des fringues punks, il n’y a plus de prix à payer pour porter cela. Il y a des jeunes qui écoutent du punk de mon époque, à leur âge j’écoutais du rock des 50s et 60s. C’est la même chose, c’est comme une nostalgie qui n’a pas de raison d’être puisque qu’on n’a pas connu cette période. Avec la mine de docs sur internet, certains pourraient débattre sur le sujet beaucoup mieux que moi alors qu’ils ne l’ont même pas connu. Cela me fait sourire. Dans ma tête c’est « cause toujours ». Mais le Punk n’a pas le monopole du désespoir, ni de la provoc et de la violence. Aujourd’hui encore il y a une culture de la révolte, aujourd’hui encore il y a des paumés qui souffrent et font aussi souffrir les autres. Aujourd’hui encore, il y a des gens qui ne voient que du NO FUTURE pour leur vie. Pour eux, je veux juste dire : il y a de l’espoir, j’en suis une preuve vivante.
Je n’ai jamais été religieux, ni avant de rencontrer Jésus ni maintenant. Quand j’étais dans la rue, mon intelligence brûlée, mes sens et l’enfer dans lequel je vivais, tout me disait que Dieu n’existait pas. Pour moi l’église était un ramassis de faibles, de crédules et d’hypocrites dirigés par des menteurs et des manipulateurs. Comment pouvait-on croire en Dieu au XXème siècle ? Mon cri concernant Dieu était « Fuck the religion, Fuck the religious ».
Maintenant Jésus, on peut en faire de la religion mais ça n’est pas de la religion. Rien de pire que d’en parler sans le connaître. Il n’est pas derrière toutes les horreurs qui peuvent se faire en son Nom. Parfois Il a servi de prétexte, d’autres fois on s’en est servi pour manipuler. Il a beaucoup plus de compassion que les religieux. Il y a des personnes qui, par leurs comportements, n’ont vraiment pas donné envie de Le connaître et c’est regrettable. Jésus est un homme qui a tout mon respect, Il a été jusqu’au bout de ses convictions, la mort n’a pas mis un terme à ses œuvres, bien au contraire. Personne n’a parlé de justice et dénoncé l’injustice et l’hypocrisie comme lui. Il ne s’est jamais laissé corrompre. Il a rendu malades les religieux de son époque, Il n’a pas cédé à l’intimidation. Il a aimé sans intérêt. Il s’est donné. Il a vaincu la mort. Jésus a été un homme différent. Il a changé le monde, marqué l’histoire, on en parle encore et sur les calendriers, on compte les années à partir de sa naissance.
JESUS FREAK
Tu sais, ça va maintenant faire 39 ans que je suis dans la bande à Jésus. Il m’a appelé, je le suivrai partout. Je ne suis pas religieux pour deux sous. Un gars comme moi, Made in la rue ne croit pas aux légendes, ne peut pas se ranger si on ne lui en donne pas la force. S’il ne m’avait pas saisi, je sais que je serais mort depuis longtemps. J’ai pu vérifier que Jésus est vivant. Je vis quelque chose avec Lui de concret, j’en vois les impacts sur ma vie. Ce que je considérais auparavant comme une faiblesse est maintenant pour moi une grande puissance, je crois en Dieu. Je crois en Dieu et ça ne m’a pas transformé en mouton. Ce n’est pas le monde qui va me dire quoi croire et comment vivre. Jésus a dit : celui que le Fils libère est réellement libre, JE SUIS LIBRE.
Patrick « Paddy » Fontaine